Le Cap Reinga
Nouvelle-Zélande :
un Tremplin vers l’Éternité

Récit de Voyage

La mer de Tasman depuis le cap Reinga
©Adriana Gois

Texte : Katia Sznicer

Voyager sur un nouveau territoire, quelle que soit sa dimension, c’est aussi intégrer de nouveaux repères. Des balises essentielles qui s’imposent vite pour guider l’exploration.

En Nouvelle-Zélande/Aotearoa (littéralement « l’île du long nuage blanc »), ce qui prédomine rapidement la cartographie mentale, ce sont les mots de la nature et de la géographie qui nomment le pays en langue māorie et/ou en anglais :

Roto/lake (lac) – maunga/mountain (montagne) – waiparahoaka/glacier (glacier) – ngahengahe/forest (forêt) – pāka/park (parc) – pua/tree (arbre) – putiputi/flower (fleur) – tāwhangawhanga/bay (baie) – tātahi/beach (plage) – rangitoto/vulcano (volcan) – cape (cap) – kokorutanga/sound (bras de mer)… voilà un extrait de la transcription télégraphique de cette terre océanienne ; sans oublier la distinction majeure entre Te Ikaroa-a-Māui/ North Island/ – l’île du Nord – et Te Waka-o-Māui/ South Island – l’île du Sud.

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Coquillages ©Katia & Gerard Sznicer


Chaque fois que je parcours les photos de notre périple néo-zélandais, je sens souffler sur ma joue l’air effervescent du cap septentrional de la Terre du Nord, finis terrae où vient mourir la longue plage blanche de Ninety miles beach/Te Whāro Oneroa-a-Tōhē.

Je revois la fraîcheur des prairies de ce littoral inhabité des hommes, les coquillages plus beaux que des bijoux, l’eau pure de la mer de Tasman (à l’ouest) qui vient épouser l’océan pacifique (à l’est), dans un choc magnifique et titanesque.

Je me rappelle que, perchée sur le rocher qui domine le cap, les yeux rivés vers l’infini, époustouflée par le contraste entre le bleu marin et le sable nacré, j’ai été heureuse, portée par la conscience de faire partie de cette splendeur inouïe qui s’ouvrait devant moi, portée par le vent doux et puissant qui me rendait un peu oiseau… c’est peut-être cela l’éternité.

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Ninety Miles Beach © Katia & Gerard Sznicer


C’est en respirant cet air-là, en le vivant de l’intérieur, que j’ai pu comprendre pourquoi cet endroit précis, le cap Reinga, tient une place centrale dans la spiritualité māorie.

C’est d’abord le point de la fertile et puissante rencontre mythologique entre Te Moana-a-Rehua, « la mer de Rehua » – entité masculine, stellaire – et Te Tai-o-Whitirea, « la mer de Whitireia » – entité féminine, aquatique.

 

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Meeting point © Katia & Gerard Sznicer
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Meeting point © Katia & Gérard Sznicer


« Reinga »
en langue māorie désigne aussi le monde sous-terrain, le monde d’au-dessous (« the underworld »). Ce lieu, découvert et nommé par la figure légendaire de Kupe, grand navigateur māori, est aussi appelé « Te Rerenga Wairua », que l’on pourrait traduire par « le tremplin des esprits ».

C’est en cet endroit précis de l’île du long nuage blanc que les esprits des morts māoris, après un voyage sur les ailes du vent, prennent le chemin du monde d’en-dessous en se glissant à l’intérieur d’un très ancien « pohutukawa » ou arbre vénéré. Puis, ils entreprennent un périple sous-marin vers les Manawa Tāwhi ou Three Kings Islands (« îles des Trois Rois ») pour émerger avec force, bondir vers le point le plus haut de ces îles et atteindre, dans un dernier saut, un dernier souffle, la terre légendaire et originelle des peuples polynésiens, Hawaiiki-A-Nui.

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Carcasse de poisson © Katia & Gerard Sznicer

Les humains, peuple d’histoires et d’imagination sans bornes, ont partout mis en récits leurs territoires. Ils ont vu des ancêtres pétrifiés dans les rochers, des cicatrices dans les failles des montagnes, des yeux dans les gouffres, des colères dans les orages et les éruptions volcaniques, des esprits dans les bois, des princesses dans les astres et des dieux dans les planètes…

Peut-être pour trouver du sens à leur passage ici-bas et se raconter que celui-ci n’est qu’un court épisode de l’interminable épopée dont ils sont un peu les héros, parce qu’il y a un avant et un après.

Aussi, certainement, pour apprivoiser la Terre, leur maison originelle… légendes et croyances seraient ainsi la première forme de ce que l’on nomme aujourd’hui, l’écologie, littéralement le logos, « discours, parole » sur l’oikos, la « maison ».


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