Recyclage : Limites & Instrumentalisation

© Igor Rand
Texte : Philippe Asensio

Face à notre production exponentielle de déchets, le recyclage apparaît comme une solution d’avenir capable de réduire notre impact sur l’environnement.

En effectuant un tri sélectif, nous pensons que nos déchets vont tous donner vie à de nouveaux objets. C’est en partie vrai.
Une fois dans un centre de tri et de recyclage, nos déchets vont être séparés, lavés, broyés, chauffés, soufflés… et ainsi transformés. Cette meilleure gestion de nos ressources rassure les consommateurs, qui sont de plus en plus conscients des enjeux liés à cette problématique.
Pourtant, derrière une approche vertueuse, l’économie du recyclage se révèle souvent être une fausse bonne idée. Voici pourquoi.

Tout n’est pas recyclable

Nos déchets ne sont pas tous recyclables, loin de là !
Seule une moitié du plastique peut être réutilisée, et de nombreux objets sont tout simplement impossibles à recycler. D’un point de vue écologique, ce sont des objets qui n’auraient pas dû exister.

L’exemple-type est celui de la petite bouteille d’eau jetable, qui illustre parfaitement les dérives du tout-jetable. C’est un produit assez récent, apparu dans les années quatre-vingt-dix, dont nous nous passions fort bien auparavant.
C’est la pression exercée par les industriels du plastique qui a poussé à la création de ce type de contenant.

Autre exemple, celui des composants électroniques, qui sont très coûteux à démonter. Leur revalorisation est freinée par ce coût, ce qui explique certaines dérives dans le processus de retraitement, souvent confié à des pays pauvres.

 

 

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L’exemple du recyclage dans le bâtiment

Dans ce secteur d’activité, on peut carrément parler de délinquance environnementale, tant les exemples de décharges sauvages abondent.

Toute démolition de bâtiment génère une quantité considérable de déchets de toute nature. Certains sont recyclés, tels les câbles en cuivre, mais tant d’autres sont laissés à l’abandon, à la charge de la collectivité, en toute illégalité.
Ce phénomène coûte une fortune aux contribuables, qui doivent palier avec leurs impôts à ce qui est devenu un authentique fléau écologique.

La multiplication des comportements délictueux est telle que le législateur prévoit d’appliquer des sanctions beaucoup plus lourdes aux contrevenants, afin de les obliger à prendre en charge leurs déchets.

Seulement 45% de ces rebuts sont effectivement revalorisés, loin de l’objectif de 70% normalement prévu dans les textes de loi.

 

Géopolitique des déchets

La Chine a longtemps été une destination privilégiée pour les déchets des pays riches. Ce temps est révolu, ce pays refuse maintenant de servir de poubelle au monde entier.
L’Asie du sud-est commence à en faire de même, la Malaisie en tête, ce qui a amené les États-Unis et l’Europe à changer de politique dans ce domaine. Car il y a une géopolitique des déchets, avec des approches différentes selon les états.

L’Amérique se tourne vers l’Afrique, notamment le Kenya, l’Europe tente de recréer une filière de retraitement sur son territoire, en augmentant sa capacité de traitement.
Il faut garder à l’esprit que le meilleur déchet au monde, c’est celui qu’on ne produit pas !

Notre soif de nouveautés, sans cesse attisée par la publicité, nous pousse à remplacer des choses qui sont le plus souvent encore parfaitement fonctionnelles.
Externaliser la gestion de tous ces surplus, c’est rechercher le coût de retraitement le plus bas. Le “business” du recyclage n’est pas vraiment rentable, c’est pour cette seule et unique raison que la Chine a décidé de fermer ses portes aux déchets étrangers.

 

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©muhammad numan

Le piège de l'autorégulation

Différents labels apparaissent sur nombre d’objets en plastique. Ils sont délivrés par des organismes chargés de certifier que le produit que vous tenez en main est recyclable.

Coca-Cola et Nestlé, qui sont les deux plus gros vendeurs mondiaux de plastique, sont des contributeurs importants de ce type d’organisation. C’est pour cette raison que vous voyez la mention suivante sur un emballage plastique : cet objet est composé de plastique recyclé. Cette mention rassure le client, qui devient ainsi un acteur dans la préservation de l’environnement.

Les industriels ont une stratégie simple pour éviter d’être directement mis en cause : associer les consommateurs à leurs actions écologiques ! En axant leurs campagnes publicitaires sur les prétendues vertus de leurs produits recyclables, ils arrivent à masquer le peu de recyclabilité de ce qu’ils vous vendent.

En adoptant les « bons gestes » du parfait citoyen éco-responsable, vous devenez inconsciemment le partenaire d’une entreprise vertueuse. Formidable tour de passe-passe, qui évitera de trop se poser de questions, surtout celles qui fâchent ! Car finalement, seulement 9% du total des plastiques produits dans le monde sont effectivement recyclés, dans des conditions discutables, qui plus est !

 

 

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Mensonges et Recyclage © Jordan Beltran

Le mirage de la réduction des déchets

La seule solution véritablement efficace pour arriver à résoudre les problèmes liés à la production de déchets est la suivante : moins consommer !

Bien qu’il faille améliorer tous les procédés de retraitement existant, qu’il soit souhaitable d’en découvrir d’autres, plus efficaces, moins énergivores… sans réduction de la consommation, point de salut !

La démographie explose dans certains continents. La différence de niveau de vie est telle entre l’Afrique et l’occident, que nous y exportons nos déchets !
Cette approche scandaleuse ne durera qu’un temps, car le système économique mondial est sans cesse en recherche de nouveaux consommateurs, si possible avides d’un maximum de biens de consommation. C’est sans fin, mais c’est notre monde.
Un marché gigantesque s’offre aux multinationales, celui des pays pauvres et émergents. Ces nouveaux clients veulent consommer, ils produiront des déchets dans des proportions telles que la planète ne le supportera pas.

 

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© Xianyu Hao

Comment concilier
démographie, consommation et écologie ?

Soyons honnêtes, c’est le challenge du siècle à venir.
Les engagements pris par les États lors des différents sommets de la Convention Climat sont le plus souvent des déclarations d’intention.

Le recyclage ne peut continuer à être confié à des pays qui sont si faibles sur le plan économique qu’ils ne peuvent le refuser. Faire fabriquer à l’autre bout de monde des objets qui y retourneront sous forme de déchets est un non-sens écologique absolu.
Relocaliser cette activité, trouver des procédés qui augmentent la part réellement recyclable pour chaque bien de consommation produit, voilà les voies d’avenir.

Cela ne doit pas nous faire oublier que sans une maîtrise de la natalité au niveau planétaire, ces louables efforts ne serviront pas à grand-chose.
Mais comment convaincre les populations qui n’ont pas encore profité des bienfaits du développement économique de se restreindre, alors que c’est le modèle occidental qui a favorisé la surconsommation, avec sa surproduction de déchets.


©bryan garcia
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