Textes et photos : Nicolas Dépraz
Carnet de route, 6 jours : du Col du Simplon au Val d'Hérens
1ère journée :
Du Col du Simplon à Saas-Fee par Gspon
Le Valais et moi, c’est une relation compliquée, faite de beaucoup de hauts et de quelques bas bien marqués. Ni natif ni originaire de cette région, j’ai appris à la connaître et la découvrir sur le tard, autrement que comme un touriste venu faire du ski l’hiver ou du vélo et de la marche l’été.
Depuis quelque temps, j’ai entamé une série de randonnées afin de découvrir les plus beaux paysages et parcours du Valais, plus particulièrement le Valais central. Cet été, j’ai décidé de suivre un parcours itinérant, à la fois à pied et en transports publics, entre le col du Simplon et le col du Grand St-Bernard, soit les deux passages les plus iconiques reliant le Valais à l’Italie. Les deux cols ont comme point commun de posséder depuis des siècles, un hospice accueillant les voyageurs de passage sur ces hauteurs entre la Suisse et l’Italie.
Retrouvez, en fin d’article, la liste du matériel utilisé pour cette aventure !
Défi écologique et pédagogique
Afin de rendre le défi à la fois écologique et pédagogique, je me suis fixé trois limites personnelles pour cadrer cette aventure.
Premièrement, pas de déplacement en véhicule individuel motorisé. Durant la totalité de l’aventure, j’utiliserai uniquement les transports en commun ou la marche pour me déplacer (voir le covoiturage si la solution se présente mais ce n’est pas moi qui crée le besoin de déplacement à la base).
Deuxièmement, je souhaite limiter mes frais, je ne dépasserai donc pas les 100 CHF par jour, tout compris (sachant que je possède l’abonnement général CFF qui diminue les éventuels frais de transport).
Dernière limite, pas de surmenage physique. Le but premier d’une aventure est d’y trouver du plaisir et non pas de se blesser ou de mettre en danger son intégrité physique. Je garde le droit de proposer des tracés alternatifs par rapport à ce qui était prévu au départ, le tout étant de rejoindre de la meilleure façon les cabanes ou dortoirs, réservés en avance, le long du parcours d’un hospice à l’autre. Et je me réserve le droit de mettre en pause l’aventure si la météo devient dangereuse (surtout au-dessus des 2500 mètres d’altitude en montagne) ou que mon corps me dit stop pour différentes raisons.
30 juillet 2022
Il fallait commencer quelque part. Le 30 juillet 2022, j’ai pris la première correspondance du matin entre mon domicile et le sommet du Col du Simplon, sur les hauteurs de Brigue. Il m’a fallu un peu moins de 3 heures en transports publics pour me déplacer des bords du lac Léman au sommet de ce col mythique des Alpes suisses. Une des particularités du Simplon est que son sommet ne constitue pas la frontière entre deux pays, régions ou cantons. En effet, il est 100 % suisse et valaisan des deux côtés, à la différence du col du Grand-St-Bernard par exemple. Le sommet du col est situé à environ 2000 mètres d’altitude au-dessus de la mer, ce qui va me servir de barre moyenne durant cette aventure, j’ai prévu de régulièrement passer au-dessus et au-dessous de cette barre symbolique des 2000m.
Pour tous ceux qui n’ont pas l’habitude, on parle ici de haute montagne, celle où les arbres sont très rares voir inexistants et où l’on peut trouver de la neige jusqu’à fin juin, voire début juillet en fonction des années. Étant beaucoup plus à l’aise sur les chemins escarpés et en altitude qu’au bord de la mer ou à la plage, ce choix de parcours et d’aventure était naturel pour moi.
Le programme du premier jour, bien que long en termes de kilomètres, n’était pas très difficile (sur le papier, on va y revenir rapidement…) au niveau du dénivelé : un seul col au menu depuis le Simplon, le Bistinen Pass. J’ai atteint le sommet du col vers midi, en sachant que je suis arrivé au Simplon peu après 10h du matin et que j’ai réellement commencé l’ascension vers 10h45 après avoir fait un peu de tourisme et de préparation du matériel aux alentours de l’hospice.
Jusqu’ici, tout allait parfaitement selon mon plan. Malgré ce qui était prévu, la météo était magnifique, le corps répondait aux efforts et j’ai même croisé deux auditeurs de Radiolibre au sommet du col, quel hasard incroyable !
Changement de plan
«À la pause de 14h, au milieu du parcours, j’ai fait une erreur.»
J’avais pour but initial de rejoindre le petit village de Gspon sur les hauteurs de Stalden au bout de 24km relativement plats (si l’on excepte la montée matinale), d’y prendre le téléphérique pour descendre jusqu’à Stalden et, enfin de prendre le bus pour rejoindre ma destination finale de la journée, l’auberge de jeunesse de Saas-Fee. À la pause de 14h, au milieu du parcours, j’ai fait une erreur. En discutant avec mes deux partenaires du jour, rencontrés au sommet du col 2h auparavant, on s’est dit que ce serait une bonne idée de contourner le chemin qui suit la vallée du Nanztal en passant au travers, par le Ochsehorn qui culmine vers 2800 mètres d’altitude, praticable sans matériel d’alpinisme à cette époque de l’année.
Problème, je n’avais clairement pas encore la condition physique pour rajouter une telle difficulté à mon parcours, je manquais de sommeil et je m’étais mal alimenté la matin (pour ce type de dénivelé). Grâce à l’aide de mes deux camarades de la journée, j’ai pu atteindre le sommet et descendre les 1000 mètres de dénivelé négatif pour rejoindre Gspon et finir ma journée comme elle était prévue. Mais cela a pris du temps et beaucoup d’énergie. Je me suis rarement senti aussi cramé physiquement au bout d’une journée de marche et j’ai atteint Saas-Fee et mon dortoir peu avant 20h.
Bilan de la journée 1
«Sans se connaître, les gens sont bienveillants et serviables les uns envers les autres, tout le monde ressent et connaît la fragilité de la vie dans ce type d’environnements»
Aucun souci au niveau du matériel, mais une petite alerte à la cheville droite sans conséquences heureusement, quelques douleurs aux épaules, aux dos et à l’aine mais qui sont logiques quand on tire sur la corde le premier jour et une récupération qui s’annonce difficile malgré la qualité du logement, que je recommande chaudement si vous passez par Saas-Fee.
Malgré les douleurs, cette première journée a été extrêmement positive sur plusieurs points. Premièrement, les paysages magnifiques et sauvages de la région du Simplon. Sorti des environs de l’hospice et du sommet du col, il n’y a aucune âme qui vive à des kilomètres à la ronde et les chemins sont superbes pour tous les amateurs de randonnée.
Deuxièmement, j’ai fait de belles rencontres sur la route. En plus de Terrence et Zael, mes deux compagnons du jour, j’ai croisé la route d’un couple de marcheurs de mon âge environ, qui suivaient la route 6 (chemin des cols alpins) et que nous aurons la chance de recroiser dans quelques jours plus loin sur cette même route. Je tiens à le dire, dès le premier jour, la communauté des marcheurs, alpinistes, grimpeurs et randonneurs de haute montagne est une fratrie magnifique. Sans se connaître, les gens sont bienveillants et serviables les uns envers les autres, tout le monde ressent et connaît la fragilité de la vie dans ce type d’environnements et forge son humilité par rapport à la montagne. Et je n’ai jamais eu de mauvaises expériences humaines avec cette communauté.
Est-ce que les problèmes existent ?
Sûrement, comme dans toutes les disciplines et toutes les familles, mais je n’ai pas encore eu l’occasion de mettre ma confiance, envers ces personnes, en défaut. Il faut respecter quelques règles évidentes et avoir un comportement irréprochable. Mais cela vaut le coup, les pratiquants de la haute montagne vous le rendent bien.
Troisièmement, les erreurs de la première journée vont servir de leçon et paradoxalement, c’est ce qui va aider le reste de l’aventure à bien se passer. Mieux vaut faire des erreurs la première journée quand l’on peut encore les corriger ou revenir en arrière. J’avais de toute façon prévu de rester à Saas-Fee 2 nuits, je vais alléger mon programme de demain et tenter de récupérer au maximum en vue de la suite de l’aventure.
Au programme du deuxième jour, Saas-Fee donc, et il y en a des choses à dire sur cette magnifique station, mais ça, c’est pour le prochain épisode sur la route d’un hospice à l’autre.
Infos pratiques J1 + Matos
Liste du matériel pour l'aventure
- Sac Millet « Odyssée » 45 litres
- 1 short de marche + 1 pantalon de marche
- 3 T-shirts + 1 sweat de marche contre le froid + 1 k-way
- 4 paires de sous-vêtements + 2 paires de chaussettes spécifiques pour la marche + 1 paire normale
- 1 paire de chaussure légère pour l’intérieur + 1 paire de chaussure de marche
- 1 serviette micro fibre + 1 maillot de bain
- 1 pochette hygiène et premiers secours
- 1 gourde 1 litre en aluminium + 1 gourde « à filtre » pour se ravitailler en route dans les rivières et fontaines
- Enregistreur audio + piles + chargeur
- 1 Chargeur portable solaire pour le téléphone
- Valeurs (clés, porte-monnaie, téléphone, chargeur de téléphone, etc.)
- 1 carnet de notes + stylo
- Crème solaire, lunettes de soleil, casquette
- Barres de céréales bios
- 1 sac à viande + 1 taille d’oreiller pour les dortoirs et cabanes
- 1 sac en plastique pour ramasser les déchets en montagne
- Bâtons de trekking
Parcours Jour 1
Départ Col du Simplon – Arrêt de bus
Arrivée Auberge de jeunesse Saas Fée
Nb km : 18,63 km
Nb dénivelés : 1’346 m (+) / 1’457 m (-)
Temps approximatif : 8h30 avec les pauses
Logement Jour 1
Auberge de jeunesse de Saas-Fée
e-mail : wellnesshostel4000@youthhostel.ch
Tel: +41 27 958 50 50
Je recommande l’endroit pour les personnes qui souhaiteraient visiter la région pendant 2 ou 3 jours.
2ème journée :
Saas-Fee et le barrage de Mattmark
La vallée de Saas et sa station phare, Saas-Fee, représentent des lieux magiques à mes yeux. Il était impensable pour moi, sur ce parcours, de ne pas passer une journée dans cette région et y découvrir d’autres merveilles pour les randonneurs et amoureux de la montagne. Saas-Fee possède des caractéristiques qui rendent son expérience unique parmi toutes les grandes stations d’altitude en Valais.
Premièrement, comme à Zermatt, les voitures sont interdites à l’intérieur du village. Un grand parking a été construit depuis des décennies à l’entrée de la station et des petits taxis électriques se baladent dans les rues pour transporter bagages et passagers jusque dans les lieux de résidence, si besoin. Cela rend la visite du village très agréable et l’air est moins pollué par des particules fines que dans d’autres stations d’altitude.
Deuxièmement, Saas-Fee est une station plutôt orientée famille et garde une taille humaine malgré son succès touristique et son cadre exceptionnel. Pourtant voisine de celle de Zermatt, la vallée de Saas n’est pas devenue un gigantesque maelstrom à touristes, on en reparlera dans le prochain épisode. Cette taille raisonnable en termes d’aménagement permet assez rapidement, en se baladant à pied, de se retrouver en pleine nature et de profiter du cadre exceptionnel qu’offre la vallée.
Perchée à environ 1800m d’altitude, Saas-Fee est en effet l’une des stations les plus élevées de Suisse, permettant d’être confronté dès la sortie du village à un environnement de haute montagne, sans avoir besoin nécessairement de prendre une remontée mécanique, même si la région est particulièrement bien garnie dans ce domaine.
Connaissant par cœur la station, été comme hiver, j’avais en tête de me balader dans un autre coin de la vallée de Saas, à savoir le lac de barrage de Mattmark. Et comme je comptais soigner les différentes blessures subies la veille (voir épisode 1) j’ai décidé d’alléger le parcours en divisant par deux le nombre de kilomètres prévus. En effet, j’avais comme projet initial de me rendre au Monte Moro Pass, qui fait frontière avec l’Italie et dont l’ascension débute au bout du lac de Mattmark. Mais au vu de mon état et du programme à suivre, j’ai préféré la jouer tranquille aujourd’hui, d’autant que le soleil tapait de nouveau très fort. Je me suis contenté de faire les 8km autour du lac du barrage de Mattmark.
«Vous ne savez jamais quand votre corps peut vous mettre un coup d’arrêt.»
Capacité d’adaptation
Afin de tester mon corps au petit matin après une nuit de récupération, j’ai décidé de faire une petite marche d’échauffement, extrêmement simple et que je recommande aux personnes qui ne sont ni des randonneurs, ni des habitués de la montagne. Un chemin pédestre, très agréable, sans difficultés techniques, et qui relie la station de Saas-Fee à Saas-Almagell, dernier village avant le barrage au fond de la vallée de Saas.
Ce chemin se parcours en 45 minutes en marchant à un rythme normal je dirais et m’a permis de ressentir, sans forcer, les différentes parties de mon corps qui avaient subi une ou plusieurs alertes le jour précédent. Bonnes nouvelles, rien à signaler sur la cheville qui avait tourné dans la descente ainsi que sur le genou que j’avais ressenti dans les montées. En ce qui concerne les autres douleurs (tendinite à l’aine, épaules, coups de soleil), même si ce n’est pas encore parfait, rien ne semble empirer et je devrais être en mesure de continuer l’aventure comme prévu, moyennant quelques aménagements sur l’itinéraire et le programme.
Ne jamais oublier que la première des qualités à posséder quand on se balade en montagne, c’est la capacité d’adaptation, car les conditions météorologiques peuvent vite tourner et vous ne savez jamais quand votre corps peut vous mettre un coup d’arrêt.
Je me décide donc à me rendre, comme prévu, au barrage de Mattmark avec le car postal dont le terminus se situe en haut de ce dernier. D’ailleurs, je ne suis pas le seul à avoir cette idée car les deux cars postaux sont plein à craquer de marcheurs et touristes en ce dimanche 31 juillet 2022.
«Le canton du Valais est à 80 % francophone»
Monte Moro Pass :
Histoires de contrebandes
Bien qu’aimant la faible densité de population des régions d’altitude et des balades en montagne, je suis réjoui par le succès qu’obtient cette région chère à mon cœur, dont ma première visite remonte à mes toutes premières années. J’ai chaussé mes premiers skis à Saas Fee, à deux ans et demi.
Je profite de l’occasion pour discuter avec trois touristes français, habitués de la montagne et qui étaient au beau milieu de leur tour du Mont-Rose. Ils avaient pour projet du jour de monter le Monte Moro Pass et redescendre côté italien, ce qui m’a permis de leur donner quelques informations sur les lieux de passages entre le Valais et l’Italie et les histoires de contrebandes, le Monte Moro Pass faisant partie de ces quelques cols pédestres connus historiquement pour cela (nous aurons l’occasion d’en croiser d’autres durant l’aventure).
Étonnés de rencontrer un suisse parlant français dans cette région, je leur rappelle que le canton du Valais est à 80 % francophone et que le haut-valaisan est un dialecte bien particulier. Il est important, quand des personnes sont intéressées, de transmettre des détails et informations sur sa propre culture et son pays afin d’essayer d’atténuer un certain nombre de clichés qui circulent dans le monde. Bien sûr, espérer sans débarrasser complètement relève d’une bien naïve utopie.
Il y a beaucoup de monde aujourd’hui autour du lac de Mattmark et ça se comprend, car en plus de la date, de la météo et du cadre idyllique qu’offre ce lieu, la balade est particulièrement aisée. Pour tout dire, le soleil a constitué la principale difficulté du jour, entre le rayonnement, l’absence de nuages et de végétation à cette altitude, il vaut mieux prévoir une bonne crème solaire indice 50 minimum.
Mais n’ayant jamais fait le tour du lac en entier avant ce jour, j’ai pris le temps de faire de nombreux arrêts photos et de profiter un maximum d’un paysage de carte postale, accessible à tous ou presque. J’en ai profité pour prendre des notes afin de venir escalader le Monte Moro Pass lors d’une autre occasion.
«Cette beauté disparaissante me fait mal au cœur.»
Changement de plan :
Zermatt ou pas Zermatt ?
Finalement, j’ai parcouru une douzaine de kilomètres aujourd’hui mais sans dénivelé majeur, ce qui m’a permis de soigner correctement mes blessures tout en profitant de la région. Je passe donc une deuxième nuit à l’auberge de jeunesse de Saas-Fee (voir le chapitre 1 pour les détails), en me posant la question suivante : vais-je suivre le chemin que j’avais programmé pour ce jour 3, à savoir partir de Saas-Fee à pied pour rejoindre le petit village de Grächen, lieu d’arrivée de la prochaine étape, ou vais-je prendre un risque et faire un pas de côté par rapport à mon itinéraire pour enfin me rendre à Zermatt, un 1er août, jour de fête nationale, la veille de mon 31ème anniversaire ?
Sachant que Zermatt est une des dernières stations que je n’ai pas visité en Valais, un comble pour un amoureux de la montagne. Dans tous les cas, s’il y a bien une chose que je vous recommande de faire en plein été à Saas-Fee, c’est d’aller vous balader dans les premiers contreforts en amont de la station et de contempler en fin de journée le soleil se coucher sur les sommets qui trônent sur le cirque de Saas-Fee. La vue des glaciers qui reculent années après années, me donne à la fois un sentiment de tristesse et d’urgence. Cette beauté disparaissante me fait mal au cœur. Alors que les derniers rayons du soleil se délaissent des plus hauts sommets de la vallée de Saas, ma décision est prise : demain, je partirai tôt…
Infos pratiques J2
Parcours Jour 2
Départ Auberge de jeunesse Saas Fée
Arrivée Auberge de jeunesse Saas Fée
Nb km : 7,8 km (Tour du lac de Mattmark)
Nb dénivelés : 107 m (+) / 108 m (-)
Temps approximatif : 2h
Logement Jour 2
Auberge de jeunesse de Saas-Fée
e-mail : wellnesshostel4000@youthhostel.ch
Tel: +41 27 958 50 50
3ème journée :
le 1er août à Zermatt
De Saas-Fee à Stalden en bus
& de Stalden à Zermatt en train
J’avais préparé mes affaires avant de dormir car je savais qu’un long transfert m’attendait à l’aube pour passer de Saas-Fee à Zermatt. J’ai salué une dernière fois mes compagnons de dortoirs avec qui j’avais pris le temps d’échanger quelques mots, pris mes affaires, remercié l’équipe de l’auberge qui est très sympathique et j’ai sauté dans le premier bus pour Stalden, le village situé en amont de Viège et qui fait la séparation entre la vallée de Saas à l’Est et celle de Zermatt à l’ouest. Je change également de moyen de transport car si le col du Simplon et la vallée de Saas sont desservis par des bus postaux, Zermatt est à un autre niveau économique et la vallée possède une voie ferrée.
Comme à Saas-Fee, il faut savoir qu’aucune voiture n’est autorisée à rouler dans la station de Zermatt, mais l’organisation est différente, la route étant fermée dès le dernier village avant Zermatt et non pas à l’entrée de la station. Et quel monde dans ces trains ! Difficile pour moi de me faire une place avec tout mon paquetage pour ce trajet d’environ une heure entre Stalden et Zermatt dans un train à crémaillère.
Mais je n’étais pas naïf, toutes les conditions étaient réunies pour avoir foule dans ce lieu mythique : une météo très ensoleillée, un jour férié en Suisse, au milieu des vacances d’été : difficile de faire plus pour obtenir une overdose de touristes, mais qu’importe, si je dois découvrir Zermatt avec mes propres yeux pour la première fois, autant que ce soit dans la situation la plus exagérée possible, afin de ressentir au mieux le contraste entre les petites stations valaisannes et les aspirateurs à touristes que peuvent être Verbier, Crans-Montana ou Zermatt dans ce canton.
Une ville à la montagne
C’est en arrivant à la gare de Zermatt en milieu de matinée que la différence avec les derniers jours fut la plus sidérante : une ville à la montagne ! J’avais déjà expérimenté des grandes stations très connues et prisées en Suisse (Verbier, Davos, Wengen, etc.) mais aucune ne m’a donné autant l’impression de véritable cité. Des infrastructures, commerces et services. Mis à part l’environnement avoisinant et l’absence de circulation, impossible de différencier Zermatt d’une cité helvétique de taille moyenne. Et quelle foule ! Je peine à me faufiler dans les rues, pourtant larges et sans voitures, tant la densité est élevée en ce lundi 1er août, jour de fête nationale.
Pour la première et seule fois de cette aventure, je me sens très différent de la population qui arpente ces rues. Non pas pour une question d’origine, car c’est vrai que le monde entier se trouve à Zermatt et pas seulement des européens ou des indigènes, mais à cause de ma tenue et de mon équipement. Dans toutes les autres stations, les visiteurs des Alpes en été sont un minimum équipés, plus ou moins en fonction de leurs activités : bonnes chaussures, sac à dos, habits de montagne ou de sport, etc.
À Zermatt, je croise beaucoup, beaucoup de gens, qui ne sont absolument pas équipés pour la montagne et habillés comme en ville, dans la vie de tous les jours. Souvent des gens assez fortunés d’ailleurs, ce qui m’intrigue un peu, moi qui ai l’habitude de passer du temps avec des randonneurs et grimpeurs quand je me balade dans les Alpes. Comme quoi Zermatt est un lieu vraiment très particulier.
Mais je ne m’arrête pas en route, car le programme est chargé : je dois en effet profiter un maximum de cette journée et m’assurer de prendre au minimum la dernière correspondance pour le village de Grächen, à l’autre bout de la vallée, en changeant à St-Niklaus, c’est là que se trouve mon dortoir du jour. Avant que les plans ne changent, j’avais prévu de faire les 21 km qui relient Saas-Fee à Grächen. J’ai d’ailleurs mis ci-dessous le parcours et son profil tel qu’il était prévu pour les personnes qui seraient intéressées.
Vue sur les 4000
Je me dirige donc vers le départ du téléphérique de Zermatt et grâce à mon abonnement général CFF, j’obtiens une très belle réduction sur mon pass du jour. Après tout, c’est mon anniversaire demain et j’avais décidé de me faire ce cadeau, pas prévu dans mon budget de départ : aller me balader toute la journée sous les sommets vertigineux de ce que les alpinistes appellent «la couronne impériale» à savoir tous les sommets qui culminent à plus de 4000 mètres de chaque côté de la vallée de Zermatt. Le Cervin est le plus connu d’entre eux, mais il n’est de loin pas le seul.
J’accompagne dans une cabine une famille d’origine espagnole avec leurs deux enfants d’environ 10 ans et le paysage est réellement à couper le souffle. J’en avais rêvé pendant des années, attendant une belle occasion pour pouvoir m’y rendre et découvrir de mes propres yeux ces lignes de crêtes extraordinaires qui découpent un ciel bleu immaculé. En arrivant au Trockener Steg, à presque 3000m d’altitude, ce n’est pourtant pas le Cervin, certes impressionnant et mythique, qui me captive le plus, mais plutôt le Breithorn et le Mont Rose. Car si la petite balade touristique de presque 7 km longe les contreforts du Cervin, c’est bien la vue sur le reste du paysage qui est exceptionnelle.
Je croise de très nombreux touristes asiatiques (japonais et chinois en majorité) sur cet itinéraire qui ne présente pas de grandes difficultés, surtout si vous avez l’habitude de vous balader en montagne. Mais j’assume qu’aujourd’hui, c’est pour le plaisir, alors je laisse le défi physique de côté, sachant que j’ai encore quelques légères gênes du premier jour, mais on y reviendra plus tard. Au fur et à mesure que la journée avance, un élément me perturbe. Mais quelle chaleur ! Je suis pourtant en short et T-shirt à plus de 2’500m d’altitude et j’ai l’impression d’être à 500 m tellement le soleil tape fort et la chaleur effrayante. Tout en prenant des photos et profitant du paysage, je rejoins le Schwarzsee assez facilement (environ 2h de marche tranquille) un peu avant 14h et je m’arrête afin de décider de la suite de mon parcours. C’est à ce moment, que pris par l’enthousiasme de la journée et mes bonnes sensations physiques, que je vais commettre ma deuxième «erreur» du voyage.
La descente fatale
J’ai en effet décidé de faire une deuxième balade dans la région avant de prendre le train direction St-Niklaus. Et si jusque là, j’étais en avance sur mon programme, les 6 km de descente que je vais rajouter entre Riffelberg et Furi en courant après le temps ne vont pas aider. Pourtant c’était une balade extraordinaire d’un point de vue photographique et géologique. Je la recommande à tous les amateurs de balades au bord des glaciers. Cependant, la fatigue et surtout la chaleur vont jouer un rôle majeur dans cette deuxième randonnée du jour, particulièrement sèche, et qui va laisser des traces pour la suite du voyage.
Sur le chemin du retour à Zermatt, je remarque le nombre très significatif de personnes en vélo et surtout en vélo électrique, et c’est logique car avec la démocratisation de ce mode de transport, Zermatt est un parfait terrain de jeu à la belle saison, grâce à ses aménagements et son absence de voitures. Attention avec des journées comme celle-là à la coopération avec les piétons. Les accidents arrivent vite avec ce genre de machines pilotées par des touristes qui ne sont pas toujours des cyclistes avertis.
Malgré un petit incident technique qui va bloquer la ligne de train pendant plusieurs dizaines de minutes entre Zermatt et St-Niklaus, je finis par atteindre, non sans mal, le village de Grächen.
Un 1er août à Zermatt
Arrivé à l’auberge de jeunesse, je pensais me concentrer sur la récupération après une journée plus épuisante que prévue, mais c’était sans compter sur les festivités du 1er août.
Le dortoir était situé à quelques dizaines de mètres de la place centrale du village où toute la population s’était réunie pour boire des verres, danser et écouter des concerts, à défaut de pouvoir faire des feux en cette période d’extrême sécheresse. Comme il sera de toute évidence impossible de dormir, autant aller profiter un peu des festivités, d’autant plus qu’en arrivant à l’auberge, je me suis fait une amie, une allemande de 27 ans partie quelques jours pour visiter la région et qui dormait dans le même dortoir ce soir là.
Si la situation n’était pas top pour la récupération, elle m’a en revanche permis de continuer à faire des belles rencontres, c’est l’un des avantages à dormir dans de ce type d’hébergement collectif. En me couchant (assez tard), je ne sais pas encore exactement ce que je vais faire demain comme parcours pour mon anniversaire. La seule chose dont je suis sûr, c’est ma destination, mais les moyens pour y arriver dépendront de nombreux facteurs.
Affaire à suivre donc…
4ème journée :
Repos forcé
La nuit du 1er août fut très courte mais je comptais tout de même faire le parcours du jour comme prévu, pour plusieurs raisons : premièrement, le programme n’est pas très long, environ 13 km pour gravir puis descendre le Augstbordpass depuis le haut du téléphérique St-Niklaus – Jungen jusqu’à Gruben. Et surtout, c’est le moyen le plus rapide et le plus simple de rejoindre la vallée du Turtmanntal à pied depuis l’endroit où je me trouve.
Là où les itinéraires alternatifs et les solutions de transports publics ne manquent pas sur les autres sections du parcours, je me retrouve ici face à l’un des seuls cas où je n’ai pas le choix. Je n’ai pas suivi une seule fois le parcours prévu en amont de l’aventure, la clé étant l’adaptation. Mais c’est parfois frustrant, d’autant plus que ces adaptations forcées viennent d’une erreur d’appréciation personnelle à la base.
Changement de programme
Je range mes affaires et partage un déjeuner improvisé avec ma nouvelle amie franco – allemande, rencontrée la veille. J’apprends qu’elle prévoit de faire une dernière journée en Valais et souhaite visiter des endroits typiques de la région après trois jours dans la vallée de Zermatt. Elle se balade en petite voiture de tourisme avec ses affaires de camping à l’intérieur.
J’en profite pour lui demander, avant de partir, si elle peut me déposer dans la vallée, à St-Niklaus, pour prendre le téléphérique. Les bus sont assez rares en ce 2 août dans la région. Mais depuis le réveil, j’ai de mauvais pressentiment et sensations. Ma peau me brûle à plusieurs endroits à chaque fois que je marche, que ce soit les mains, les cuisses, les bras ou les épaules. Ce ne sont que des douleurs superficielles, c’est vraiment rageant car sinon la forme est bonne, je m’adapte de mieux en mieux à l’altitude et récupère rapidement, et je suis très motivé à franchir le col du jour, dans mes cordes physiquement.
Mais, rien à faire, les douleurs superficielles, dues en grande partie au soleil et à la chaleur sont insupportables. Ce n’est pas faute d’avoir mis en quantité de la crème indice 50 et d’avoir des habits adaptés à la marche en montagne, pour les frottements, l’aération, la protection UV, etc. Mais rien n’y fait, les dégâts de la journée d’hier à Zermatt sont plus significatifs que prévus. Je me suis laissé griser par mes envies et je n’ai pas bien évalué ce que je pouvais me permettre de faire vu la situation et ce qu’il me restait à parcourir.
En m’apercevant que Charlie, ma nouvelle amie allemande, avait besoin de conseils pour ses visites en Valais, je décide d’être un hôte accueillant en l’accompagnant dans son voyage du jour pour lui montrer parmi les plus beaux endroits du Valais central, en prévoyant de me faire déposer à une gare dans l’après-midi pour pouvoir atteindre mon point de chute du soir, le dortoir de l’hôtel Schwarzhorn à Gruben.
Si le changement de programme est aussi brusque qu’inattendu, c’est aussi cela l’aventure en solitaire, être capable de prendre du temps pour discuter et échanger avec d’autres voyageurs et adapter son parcours en conséquence. Va pour une journée en tant que guide touristique en Valais, sachant que j’ai la chance d’être à la fois géographe et de bien connaître la région pour y avoir travaillé et passé beaucoup de temps pour des activités de loisirs.
Je lui ai donc montré le bois de Finges, des bisses parmi les plus spectaculaires du Valais ainsi que des barrages avec des points de vue exceptionnels, avec une météo magnifique. Cette parenthèse touristique imprévue touchant à sa fin, je quitte mon amie du jour à une gare, direction le village de Turtmann pour rejoindre une télécabine «à l’ancienne». Vous savez, ce type de téléphérique qui desservent des endroits très peu fréquentés et difficiles à atteindre et qui servent autant aux locaux qu’aux quelques randonneurs comme moi qui arpentent ces régions «perdues».
Dans tous les cas, je vous conseille vivement le téléphérique Turtmann – Unterems – Oberems si vous avez l’occasion de passer dans la région.
De Oberems à Gruben
Le voyage en bus 13 places sur la route entre Oberems et Gruben, a été le passage le plus épique de la journée. Un minibus sur une petite route de montagne dans une vallée perdue en croisant quelques véhicules de tourisme, voilà un programme qui n’a pas manqué de piquant. Et en arrivant de ce petit hameau perdu à 1800 mètres d’altitude de Gruben, quelle ne fut pas ma surprise de constater que le lieu était bondé. Il faut dire que l’Hôtel Schwarzhorn, bel établissement par ailleurs, est le seul endroit à des kilomètres à la ronde pour pouvoir dormir et se restaurer.
Un contraste total avec Zermatt : que des grimpeurs et des randonneurs. Dans une vallée aussi sauvage, au croisement de nombreux itinéraires d’escalades et de randonnées, en pleine saison de surcroît, c’était prévisible.
Vais-je pouvoir repartir demain ?
Au repas du soir et dans les dortoirs, je me retrouve avec une population de spécialistes et amateurs d’activités en montagne. Il y a quelques étrangers, mais dans l’ensemble, la plupart des résidents du jour sont suisses, et plus particulièrement suisse-allemands. Bien sûr, il y a quelques français par-ci par-là mais je ne m’attarde pas trop sur les rencontres.
Je dois me concentrer sur mon parcours, la récupération et une question me taraude toute la soirée : vais-je pouvoir repartir demain ? Les douleurs m’ont gêné toute la journée et le programme du lendemain s’annonce corsé : plus de 22 km escarpés entre Gruben et Zinal.
Pour la première fois du voyage, j’envisage sérieusement l’abandon, car je n’ai plus de plan B. J’ai pu adapter mon programme et éviter les difficultés depuis le début, mais demain c’est soit l’abandon, le minibus et le retour précipité à la maison, soit la suite du voyage. N’ayant rien d’autre à faire que de me poser des questions, je vais me coucher tôt, en espérant être en meilleure forme demain matin. J’ai de gros doutes et je commence à être inquiet pour la suite. Décidément, quelle drôle de journée d’anniversaire…
Infos pratiques J4
Parcours Jour 4
Départ : Zermatt
Arrivée : Gruben
Bus – Téléphérique
Temps approximatif :
Logement Jour 4
Hôtel Schwarzhorn à Gruben.
e-mail :
Tel:
5ème journée :
de Gruben à Zinal
Je me suis réveillé vers 6 heures du matin, comme certains de mes compères marcheurs du dortoir (une quinzaine de places, toutes remplies). Me coucher tôt et être au «repos forcé» hier, m’aide à me lever de bonne heure.
Le plan de la journée : tenter l’aventure. Aller jusqu’à Zinal ou abandonner en cours de route et rentrer à la maison. Plus le choix, plus de plan de secours au cas où. D’autant que le menu, bien que copieux, m’intéressait particulièrement. J’allais en effet parcourir certains des plus beaux points de vue des alpes valaisannes durant la journée. Surmotivé par l’enjeu, je ne perds pas de temps.
7h20, je quitte Gruben avec tout mon équipement, le soleil se lève sur les sommets. Le temps est frais, la météo excellente et je m’apprête à escalader le Meidpass, la plus grosse difficulté de la journée sur le papier (la réalité s’avérera quelque peu différente).
Autant le dire tout de suite, ce fut la plus belle journée de marche de toute cette petite aventure dans les alpes ! Quel pied quand ça se passe comme ça. Les soins ont fait effet, les douleurs superficielles ont diminué. Grâce au repos et à l’habitude de l’altitude depuis 5 jours, la forme est au rendez-vous. Même si la montée du Meidpass n’est pas facile, je l’ai avalée rapidement. Durant l’ascension, la chaleur n’est pas encore trop forte, bien que je sois du côté ensoleillé, marchant globalement d’Est en Ouest.
Et quelles photos, quel environnement ! Pour ceux qui n’auraient jamais eu l’occasion d’aller au sommet du Meidpass, c’est un des plus beaux points de vue du Valais central, accessible sans équipement d’alpiniste.
Le col est assez régulier des deux côtés et ne présente pas de grosses difficultés techniques, si ce n’est les derniers mètres avant le sommet. La pente est soutenue mais pas trop raide non plus. Je me suis surpris moi-même de la facilité avec laquelle j’ai progressé tout au long de la matinée, si bien que j’envisageais de plus en plus la possibilité d’atteindre Zinal en fin d’après-midi comme prévu, malgré mes doutes de la veille. Après avoir discuté avec d’autres randonneurs au sommet du col, je me lance dans la descente. Je suis officiellement de retour en suisse romande car je descends du côté du Val d’Anniviers.
Je retombe sur le parcours de la célèbre course de côte «Sierre – Zinal» que je vais suivre jusqu’au centre de Zinal si tout se passe bien. Alors que la chaleur commence à pointer le bout de son nez, les sensations sont tellement bonnes que je décide d’accélérer dans la courte, mais intense, ascension en direction du mythique «Hôtel Weisshorn». Je croise beaucoup de monde sur le chemin entre le «Meidpass» et l’«Hôtel Weisshorn» et, changement d’ambiance, la grande majorité d’entre eux parlent français. D’une certaine façon ça fait du bien au moral,
Je fais une pause à l’Hôtel Weisshorn entre 12h30 et 13h15 afin de profiter de la vue, visiter le bâtiment et refaire les réserves d’eau. L’après-midi s’annonce particulièrement chaude et sèche !
Ces dix derniers kilomètres sous un soleil de plomb entre l’Hôtel Weisshorn et Zinal sont aussi magnifiques que difficiles. La vallée de Zinal et les sommets à 4000 mètres au fond de la vallée est l’un des plus beaux panoramas de Suisse selon moi. Mais avant d’arriver à Zinal, il faut faire des kilomètres en plein soleil sous la chaleur avec tout le matériel.
Ce n’est plus le dénivelé, mais les kilomètres dans les pattes qui me fatiguent. La descente finale sur Zinal, bien qu’à l’abri dans la forêt, a été pénible et les derniers kilomètres ont été très difficiles. Cependant, j’ai réussi mon objectif sans trop de casse et j’ai rejoint la station de Zinal en fin d’après-midi, fatigué mais ravi d’avoir enfin effectué un parcours de bout en bout comme il avait été tracé avant le trek.
De super auberges !
Et si cela ne suffisait pas à mon bonheur de la journée, que dire à propos de mes hôtes du jour. J’ai été verni tout au long de ma petite escapade alpestre au niveau des dortoirs et des personnes travaillant dans les auberges. Je vous recommande d’aller à l’Auberge Alpina à Zinal et de saluer Sylvie et Yves, très sympathiques en plus d’être compétents. Coup de chance ce soir je partage un dortoir de quinze places avec seulement deux personnes, Pierre et Alexandre, père et fils, français en plein trek dans les Alpes.
J’ai dû attendre la cinquième journée du voyage pour que tout se passe, enfin, comme prévu. Je pensais devoir abandonner, j’avais un goût d’inachevé mais voilà que j’éprouve pour la première fois un sentiment, très léger certes, d’accomplissement dans cette aventure.
J’ai atteint la suisse romande depuis le col du Simplon, j’ai suivi toute la journée le parcours prévu et les douleurs de la veille m’ont enfin laissé tranquille. Cerise sur le gâteau, je me retrouve ce soir dans une de mes vallées préférées en Valais, la Val d’Anniviers, une des régions que je connais le mieux.
Demain, je passe par la barrage de Moiry puis je rejoindrais, si tout va bien, le Val d’Hérens, que je connais presque par cœur. Malgré toutes ses bonnes nouvelles, un élément vient ternir un peu le tableau : après cinq jours de grand soleil et une météo caniculaire, les orages pourraient faire leur retour…
Infos pratiques J5
Parcours Jour 5
Départ : Gruben
Arrivée : Zinal
Temps approximatif :
Logement Jour 5
Auberg Alpina Zinal
e-mail :
Tel:
6ème journée :
de Zinal au Val d’Hérens
Si vous avez lu ce petit récit depuis le début, vous devez sans doute savoir à quel point j’aime les transports par câble (téléphériques, télécabines, etc.). Étant de passage à Zinal, comment ne pas prendre la nouvelle télécabine de Sorebois de bon matin ? Surtout que le programme s’annonce à nouveau copieux aujourd’hui avec de l’altitude, du soleil, des cols et des orages potentiels en fin de journée. Mieux vaut ne pas trop traîner en route et arriver vers 17h au plus tard aux Haudères dans le Val d’Hérens. Sorebois, barrage et glacier de Moiry, le col du Tsaté, la descente sur le Val d’Hérens… que de belles choses à voir et de beaux chemins à parcourir! Une journée au cœur du Valais, à cheval entre les deux plus belles vallées du Valais central, à se balader au milieu des vaches, des mazots, des alpages et des glaciers fondants.
Fini le tourisme spectaculaire de Zermatt ou l’isolement du Turtmanntal, aujourd’hui, c’est le Valais que je connais le mieux, ou presque. Et même si j’ai déjà, en partie, parcouru ces chemins, je les apprécie toujours autant. Mais aujourd’hui, je vais gravir un col inédit pour moi, le col du Tsaté, situé un peu plus au sud que le très emprunté col de Torrent qui relie également le Val d’Anniviers au Val d’Hérens.
La plus belle journée de marche
Autant le dire tout de suite, ce fut la plus belle journée de marche de toute cette petite aventure dans les alpes ! Quel pied quand ça se passe comme ça. Les soins ont fait effet, les douleurs superficielles ont diminué. Grâce au repos et à l’habitude de l’altitude depuis 5 jours, la forme est au rendez-vous. Même si la montée du Meidpass n’est pas facile, je l’ai avalée rapidement. Durant l’ascension, la chaleur n’est pas encore trop forte, bien que je sois du côté ensoleillé, marchant globalement d’Est en Ouest.
Au bout de ma traversée du barrage de Moiry, je me retrouve devant un troupeau massif de vaches laitières en pleine transhumance vers des pâturages plus verdoyants en altitude. Difficile de trouver plus typiques comme image du Valais: un barrage, un lac, un glacier, des alpages, un troupeau de vaches en mouvement, le drapeau de Valais et le grand soleil, difficile de faire plus cliché, mais en même temps, on est là pour ça.
Un des passages les plus difficile
Le soleil devient écrasant et l’approche du col du Tsaté, en longeant par l’ouest le lac de Moiry, est éreintante. Le plus difficile reste à venir, l’approche est usante mais ce n’est rien à côté des deux derniers kilomètres de l’ascension. Je profite de ce passage pour prendre des magnifiques photos du bassin glaciaire de Moiry. Le temps se couvre de plus en plus.
Le col du Tsaté est une ascension courte, pentue et sans possibilité de récupération depuis le petit étang de la Bayenna. Les sensations sont encore bonnes mais je commence à sentir la fatigue arriver. Je n’ai pas fait de vraie pause depuis le début de la journée et pour cause, l’orage menace de plus en plus.
J’arrive vers 13h15 au sommet du col du Tsaté, en puisant dans mes réserves physiques. Je rencontre au sommet du col une française de 25 ans et son père venu en vacances dans la Val d’Hérens. À nouveau une très jolie rencontre, une de plus dans une aventure riche de petits moments improvisés au gré des chemins.
Et là, malgré la joie de retrouver le Val d’Hérens que j’aime tant, commence le calvaire. Un des passages les plus difficile de tout le parcours depuis le col du Simplon : la descente interminable vers les Haudères ! Plus de 1400 mètres de dénivelé négatif avec tout le matériel sur le dos sans répit, on est toujours en prise avec la pente. Je ne peux pas m’arrêter en route ou faire des détours, le temps tourne à l’orage et il paraît clair qu’aux alentours de 18h – 19h, il pourrait commencer à gronder dans les Alpes.
La nuit porte conseil
J’arrive finalement à l’heure aux Haudères pour prendre le bus direction La Gouille dans le Val d’Arolla, là où se trouve mon dortoir du jour. J’ai dépassé mes limites pour atteindre l’objectif, je suis allé trop loin dans la douleur (pieds, articulations, dos, etc.).
La Pension du Lac Bleu à la Gouille est un repaire de randonneurs, grimpeurs et autres passionnés de cordes et de parois, la région, en cette saison, regorge de possibilités pour ce type d’activités. Il y a une coupure d’internet dans la vallée d’Arolla depuis l’après-midi. Impossible de communiquer ou de se renseigner sur la météo et cette situation durera jusqu’à mon départ le lendemain matin.
Après avoir discuté avec un groupe de grimpeurs lors du repas du soir, je vais me coucher. En plus, il se met à pleuvoir. La nuit porte conseil, je verrai mon état pour me décider quant à la suite de cette aventure.
Tuons le suspens tout de suite, au réveil, voyant le temps ainsi que mon état physique et mental, je décide de rentrer au matin du 7ème jour. Pour de nombreuses raisons. D’une part, même si la forme physique est bonne, les douleurs superficielles sont de nouveau présentes, il me faut un vrai repos pour qu’elles disparaissent.
D’autre part, la météo s’annonce de plus en plus incertaine et orageuse pour les prochains jours et mon parcours prévoit des nuits en cabane au-dessus de 2000 mètres et si il y a bien une règle que je respecte lors de mes pérégrinations alpestres, c’est de ne pas jouer au plus malin avec la météo en montagne. Je joue souvent avec mes limites physiques et physiologiques en allant trop loin dans l’effort et la douleur, autant je ne triche jamais avec les conditions météos en montagne.
Enfin il y a aussi la fatigue psychique et mentale. J’ai eu beaucoup de plaisir, malgré les difficultés, à me balader et faire ce parcours. Cependant, je n’ai plus de plaisir à le faire seul. La principale leçon de cette aventure, que je connaissais déjà et que j’ai pu expérimenter à nouveau, c’est que ces randonnées, rencontres et paysages merveilleux sont des plaisirs à savourer à plusieurs, en famille, avec des amis ou en couple par exemple.
Et si ma passion pour la montagne ne s’éteindra probablement jamais, si le plaisir et l’envie ne sont plus là, alors à quoi bon continuer, à quoi bon braver les douleurs et les conditions météos ?
Fin de la première partie
Cette aventure ne s’arrête pas là, car je compte bien la terminer une prochaine fois, dans un autre contexte et d’autres conditions. Je repartirai du Val d’Hérens et ferai les quatre journées restantes jusqu’au col du Grand-St-Bernard.
C’est la fin de la première partie de ce voyage à pied, en transports publics ou par câble, sur les chemins de randonnées du Valais, d’un hospice à l’autre.
À suivre…
Infos pratiques J6
Parcours Jour 6
Départ : Zinal
Arrivée : La Gouille (Val d’Hérens)
Temps approximatif :
Logement Jour 6
La pension du Lac Bleu à la Gouille
e-mail :
Tel: