Les Gastlosen, perchées entre les cantons de Bern et de Fribourg : immersion géologique et frissons garantis ! Je vous emmène à leur découverte par ces quelques lignes.
Plongé dans ce décor hostile, l’accueil est glacial.
Les Gastlosen, portent bien là leur nom français d’ « Inhospitalières ».
Le chant du monde
Jeudi 5 août 2021,
Canton de Fribourg. Départ de Jaun sous des trombes d’eau et des températures effleurant à peine les 10 degrés. Les indicateurs de saisons, nos habituels repères spatio-temporels, ont disjoncté. C’est un mois d’août timide qui a pris les apparences de novembre, dont seul le vert des forêt nous rappelle la temporalité.
On monte, trempé. La pluie violente nous oblige à nous réfugier un moment sous les mélèzes. Comment de si petites gouttelettes d’eau peuvent-elles former un brouillard si dense ? Son épaisseur verticale nous fait obstacle. Plongé dans ce décor hostile, l’accueil est glacial. Les Gastlosen, portent bien là leur nom français d’« Inhospitalières ».
Le panorama ne se dévoile toujours pas. Les princesses calcaires se font désirer. Ambiance hivernale, après-midi brumal, il nous faudra attendre la fin de journée pour que enfin le rideau se lève et laisse place au miracle géologique.
Carnet de voyage à la main, c’est le moment de rendre hommage à la Nature, de la mettre en mots. Par l’observation, je m’abandonne à tout ce qu’elle m’offre.
Mais là, blocage ! Le virtuose entre en scène. Soudain tous ses mots d’esprit, toutes ses hypotyposes prennent vie dans ma tête.
Comment pourrais-je décrire ce lieu majestueux alors que mon compagnon de lecture, dieu de la plume, as de la poésie, peint des paysages avec sa prose. Giono, “Le chant du monde”. Où puise-t-il une telle imagination ? De quel pays des rêves son pinceau s’inspire-t-il ? Des aquarelles qui font danser les arbres et couler l’eau des fleuves sur les pages de Folio.
Mes respects, maître de la langue et de la nature, natif du XIXème, il avait déjà tout saisi du monde sauvage et de l’impact de l’homme sur celui-ci.
dentelle minerale au coeur
des préalpes fribourgeoises
Là, au refuge du Chalet du Soldat, nous sommes face à cette dentelle de calcaire, festival géologique auquel la brume avare ne nous laisse participer qu’avec parcimonie.
La Terre et les éléments ont façonné ce spectacle grandiose avec labeur et hargne. Edifice architectural naturel composé de délicates aiguilles, qui auraient pu servir de patron aux tisseuses de Calais.
Doigts de fées, abris des gypaètes barbus, aires de jeux des bouquetins et des chamois, je vous épie avec mes jumelles. Chaque paroi j’y rêve un aigle voltigeant, chaque crête j’y fantasme un ongulé dansant tel un funambule sur son fil. Véritable cirque, de la dent de Ruth à la dent de Combette, si mon corps me permettait de grimper, je serai comme Alice au pays des merveilles.
Prochaine vie, c’est promis, je serai alpiniste.
En fond de toile, le Vanil Noir encore tacheté de blanc, semble signaler un hiver sans fin ou peut-être un été qui n’est jamais arrivé !
Falaises polychromes, parsemées de paillettes argentées, tout ce scintillement laisse peu à peu place à la pénombre.
21h, la brume a repris ses quartiers, seul le haut des sommets domine. Mes yeux brûlent, la nuit tombe, j’éteins la lumière pour m’évanouir sous cette immensité rocheuse.
Le col du loup
et la farandole des 4000
Vendredi 6 août,
6h du matin, le vent a soufflé sans interruption, faisant claquer les vieux volets de bois et grincer la charpente du chalet tel un vieux gréement.
Comme à son habitude la nuit blanche, venue se faufiler dans mon duvet, m’a chassé des bras de Morphée. Le chef des lieux sous ses airs rustres, par pitié sûrement, m’offre gentiment un deuxième café.
Une infinité de chemins de randonnée s’offrent à nous. Nous prendrons la direction du col du loup, outre mon obsession pour le canidé, ce sentier nous dévoilera le panorama sur les 4000.
Fascination du monde blanc, à peine j’aperçois les cimes enneigées que mon coeur s’emballe et l’émotion me gagne. Que décrire, que dire, il vous faut découvrir.
mille merveilles au pays d'heidi
Col du loup : Frontière cantonale. Canton de Bern.
De ce côté, certaines strates sont ocres, bronzes, tirant même vers le rose. Au milieu de la falaise, un grimpeur yodle à tue-tête. Pas de doute, nous sommes bien au pays de Heidi !
Pour le plaisir de nos papilles, fraises des bois et myrtilles ponctuent nos derniers kilomètres. Marche délicieuse.
Encore un cadeau de la nature. Une merveilleuse découverte à ajouter à mes souvenirs et à partager.